Contingent / Nécessaire / Possible - Synthèse conceptuelle et question

Modifié par Estelledurand

Est nécessaire ce qui ne peut pas ne pas être ou se produire. Il est impossible que le nécessaire ne soit pas ou ne se produise pas.

Est contingent ce qui peut aussi bien se produire que ne pas se produire. Il n'est pas impossible qu'une chose ou un événement contingent se réalise. 

Est possible ce qui n'est pas encore réalisé, mais qui pourrait devenir réel. Il n'est pas impossible de concevoir ce qui est possible.


Contingence et nécessité de la justice

La justice semble une aspiration nécessaire de l'humanité, un besoin moral que l'on pourrait rattacher à sa nature : en tous cas si tout être humain doit vivre en société et s'il lui faut comme être rationnel, parmi les biens et les peines à partager, établir ce qui lui revient à lui, et ce qui revient aux autres. 

Sans pratique de justice, la coexistence des individus en société cesse d'être possible. Mais l'établissement des conventions qui définissent les coutumes ou les lois justes est contingent, variable d'une société à l'autre. Il dépend de déterminations historiques ou de choix politiques (par exemple, le développement de la propriété privée, le type de mariage licite, etc.).


Contingence et nécessité de l'État

La nécessité de l'existence de l'État paraît moins absolue que celle de la justice : il a existé traditionnellement et il existe encore dans certaines régions du monde de petites "Sociétés sans État", sans fonction de pouvoir hiérarchique général et permanent : un chef sans privilège y joue le rôle de médiateur. L'anarchisme politique poursuit l'idéal d'autogestion dans de petites communautés, pour n'avoir à servir ni Dieu ni maître. Qu'une société se dote d'un État paraît contingent.

Mais dans un monde composé d'États puissants, il devient nécessaire pour protéger ses droits, en tant qu'individu ou en tant que peuple, de se rattacher à un État existant, ou de constituer son propre État. 

Toute association humaine est contingente, elle peut se défaire comme elle s'est faite (mariage, entreprise, club, etc.). Seul l'État se définit comme une association nécessairement perpétuelle, établie pour toujours pour protéger de façon illimitée l'existence d'un peuple. Et si possible, une association établie pour faire bénéficier la société des effets d'un bon gouvernement, en tenant compte de la contingence des accidents de l'histoire (guerre, crise, catastrophe, etc.). 


Contingence et nécessité de la loi

La justice et l'État génèrent la nécessité morale d'une obligation dans la loi, la règle conventionnelle impérative qui régit la vie en société (voir la perle sur le repère conceptuel Légal / Légitime). 

Les lois humaines, qui donnent des obligations de type juridique, moral, politique ou religieux, peuvent toujours se voir transgressées : il est possible de leur obéir ou non, et même, si l'on y arrive, d'échapper aux sanctions prévues en ce dernier cas.

Alors que les lois de la nature soumettent les êtres et processus naturels à une nécessité invariable, à la fois logique et physique, les lois humaines ont pour fondement une convention, par définition contingente, relative à chaque époque ou société, et en tant que telle toujours contestable.

Pour tenter d'éliminer cette contingence, on peut essayer de donner un fondement nécessaire aux lois humaines, avec une justice invariable et incontestable, celle de lois fondamentales de notre nature, ou du monde naturel, ou de Dieu. La légitimité de ces tentatives de différentes natures est cependant problématique, et sujette aux discussions des philosophes.


La justice, entre contingence et liberté

La justice dans les tribunaux doit supposer que les crimes qu'elle juge ne devaient pas nécessairement s'accomplir, ne relevaient pas d'une fatalité, d'un accident impossible à éviter. On ne peut juger l'auteur d'un crime que si cet acte était un événement contingent, qui aurait pu aussi ne pas être commis. 

Car si celui qui a commis le crime l'a fait nécessairement, il n'était pas libre donc pas responsable de cette action criminelle, et il n'est pas alors le véritable auteur du crime. La possibilité par un être conscient de commettre ou non une action, et de se décider dans la contingence, se révèle alors comme liberté, qui implique avec nécessité la responsabilité de ce choix. 

La liberté, entendue au sens du libre-arbitre, suppose que l'on puisse se représenter des actes comme possibles avant de choisir de les réaliser ou non. Il est nécessaire de supposer le libre-arbitre pour juger avec justice des mérites et des peines.


Question :

L'État est-il un mal nécessaire, ou bien nous rend-il possible une maîtrise de la contingence de l'histoire ?


Source : https://lesmanuelslibres.region-academique-idf.fr
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